C’est presque une vérité de La Palice : les affinités entre jeunes lecteurs et jeunes auteurs participent à l’expérience de la lecture.
Ce qui satisfait un être humain, disait la neuropsychiatre et psychanalyste Françoise Dolto (1908-1988), c’est la communication interpsychique avec un autre. Le langage, la création qu’il permet, construit ce pont communicant. Cette idée d’offrir une tribune aux jeunes auteurs a donné naissance à Joey Cornu. Si plus de jeunes écrivent, plus de jeunes lisent, et si plus de jeunes lisent, alors tout est possible. Si le sujet ne fait pas toujours le jeune auteur (car il s’intéresse à tout et touche à tous les genres littéraires), sa manière d’écrire et de raconter le distingue nettement. Qui lit le jeune auteur remarquera aussi qu’il ne prêche ni ne fait la morale.
Le meilleur exemple de ces affinités entre vases communicants se trouve dans le roman jeunesse Il fait trop clair pour dormir, de Jean-François Bernard. « Ici, les ados sont de vrais ados, pour le meilleur et pour le pire. Ils fument du pot, boivent de la bière, se tabassent, pensent à décrocher et, dernier des tabous, fument la cigarette! Les dialogues sont calqués sur la langue des ados, avec les raccourcis, le jargon des cours d’école, les anglicismes…Mieux vaut être averti, les parents qui liront ce roman que Bernard a écrit quand il était en cinquième secondaire risquent d’avoir un choc. On est à des lieues des histoires de sorciers, des aventures édifiantes de Jeanne, fille du Roy (lecture obligatoire dans plusieurs collèges), ou des suspenses à la Chair de poule. Il fait trop clair pour dormir parle de la fin de l’adolescence, du suicide, des amitiés que l’on voudrait éternelles, sur un mode résolument réaliste, quitte à choquer. Ce qui n’a pas empêché l’écrivain Noël Audet de signer la préface, et le juge Michael Sheehan, dont le fils s’est suicidé il y a quelques années, et qui depuis offre son aide aux parents qui ont vécu cette tragédie, de cautionner le roman de Bernard en en signant la postface. » (Marie-Claude Fortin, La Presse, 23 novembre 2003)
Depuis, le best-seller Il fait trop clair pour dormir a été réédité et a ouvert les portes des librairies et des écoles aux successeurs de Jean-François Bernard, validant l’audace lucide de la maison d’édition.
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