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L’écriture structure le cerveau

Une phrase captée sur Internet a inspiré cet article qui se veut avant tout un appel à l’activité de l’écriture : « Notre cerveau droit voit la forêt, notre cerveau gauche voit l’arbre dans la forêt. »

Autrement dit, notre cerveau droit – siège de la créativité – voit un portrait d’ensemble, tandis que notre cerveau gauche – lieu de la logique – remarque les détails. Dans notre cerveau droit logent les aires de Broca et de Wernicke (deux aires dédiées au traitement et à la compréhension du langage). Fait intéressant, des chercheurs ont récemment découvert le centre de l’écriture : « Il s’agit d’une zone de quelques millimètres carrés où l’information passe de l’abstrait, le mot compris, au concret, le mot tracé par écrit. Cette petite zone se trouve dans la partie supérieure du lobe frontal, de chaque côté. » (https://www.sciencehumaine.info/medecine/psychiatrie/117-centre-de-lecriture)

Fin de la leçon d’anatomie, entrons dans le concret de l’écriture qui fait travailler nos deux hémisphères cérébraux en tandem.

Durant la lecture d’un roman, par exemple, nous cernons grâce à notre cerveau droit le sujet choisi par l’auteur et saisissons l’ambiance qu’il a voulu créer. Dans notre cerveau gauche, l’étude des détails comme les caractéristiques des personnages et des lieux s’enclenche, provoque une espèce d’analyse de la cohérence. Sans s’en rendre compte, le lecteur décortique et valide ce que l’auteur a fabriqué.

C’est dire que pour écrire et choisir les bons mots, l’écrivain a le devoir de se mettre à la place du lecteur. Cet exercice n’est pas anodin. Pour parvenir à créer l’effet voulu, l’écrivain puise dans un bassin de connaissances communes, offre souvent au lecteur de nouvelles connaissances qu’il doit cependant étayer (c’est ainsi que le lecteur voyage, apprend, comprend) et réfléchit aux spécificités du vocabulaire. Pas un mot du dictionnaire ne signifie exactement la même chose, les synonymes ne sont jamais des jumeaux identiques. Un auteur comprend donc la nécessité de faire appel aux cinq sens humains : la vue, l’ouïe, le toucher, l’odorat et le goût. Si l’auteur écrit « tarte aux pommes », il y a fort à parier que la référence fera surgir un souvenir à trois dimensions limbiques (la vue, l’odorat et le goût). Par-dessus s’installera peut-être même une couche de désir…

Les mots étant des outils de la pensée et de la représentation du monde, il convient à l’écrivain d’en mettre en banque par un apprentissage aussi étendu que possible. Nous explorons par les mots les concepts complexes, nous connectons avec nos semblables sur la base de conventions. Une table pour l’un est généralement une table pour l’autre. Il suffit d’écrire le mot table pour que surgisse l’image mentale d’une surface plane soutenue par quatre pattes. Mais si l’auteur parle soudain de tables gigognes, la notion risque de rester imprécise pour qui n’a jamais vu ces petites tables empilables Ikea destinées à gagner de l’espace dans un coin du salon, exprès pour quand la visite débarque à la maison.

On comprend que l’interface entre les hémisphères droit (le concept) et gauche (le détail) agit comme une espèce de pont. Imaginez que vous souhaitiez écrire un roman d’horreur : les grands traits de l’ambiance vous paraîtront évidents. Il faut installer l’angoisse en misant sur des peurs communes et placer au moins une victime en situation de danger. L’art de la narration repose sur la création d’une ambiance (globalité), nourrie par le choix de moments évocateurs (détails). Pour s’imaginer les frissons du lecteur – autrement dit, pour se mettre à la place de celui qui lit – l’écrivain fera appel à ses capacités de langage, à ses connaissances, à sa créativité et à ses neurones miroirs (courroies de l’empathie).

Tout comme l’apprentissage de la musique, l’exercice de l’écriture structure le cerveau, rien de moins, en particulier à l’adolescence où le cerveau bouillonne, mais longtemps après également. C’est la bonne nouvelle : le cerveau est capable de pédaler à fond jusqu’à soixante-cinq ans environ (https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/info-sciences/les-cinq-ages-du-cerveau_1764707.html). La neuroscientifique Marian Diamond a consacré sa vie à démontrer la plasticité du cerveau dans un contexte d’environnement enrichi.

Ce qui est cadré dans une fenêtre de temps plus serrée, c’est sans doute notre intérêt pour certaines choses : il est plus rare de voir quelqu’un se passionner sur le tard pour la cuisine, quand rien ni personne ne lui a fait découvrir le bonheur des saveurs durant son jeune âge. D’où l’importance – la nécessité, devrait-on dire! – de s’initier au jeu de l’écriture dès les premières années d’école. Insistons sur le mot « jeu ».

Tout le monde ne deviendra pas écrivain, mais toute personne qui écrit, ne serait-ce qu’une lettre de motivation pour obtenir un emploi, gagnera à réfléchir au poids des mots et à vouloir en tirer le meilleur parti.

Vous souhaitez mettre votre cerveau d’écrivain au défi? Voyez cette suggestion : Que faire de toute cette encre?

 

Remarque aussi tirée d’Internet :

« Puisque les mots sont les outils de la pensée, l’apprentissage de la lecture, puis de l’écriture est un moment crucial dans la structuration du cerveau et la mise en place de ses capacités cognitives. Deux ans d’apprentissage, pour toute une vie de fonctionnement. Autant ne pas se tromper de méthode d’enseignement. » (http://www.effervesciences.com/savoirs-medicaux-comment-le-cerveau.html)

11 Comments

  • Trackback: L'impact de la lecture sur la pensée | La langue française
  • Michel Mercier Posted 13 mai 2019 11 h 33 min

    Bonjour, je viens de lire votre article. Félicitations.

    Rendre accessible un domaine aussi complexe que l’écriture demande la maîtrise du sujet, la précision des termes, et le souci de le vulgariser.
    Selon vous quels sont les impacts de l’écriture sur le vieillissement du cerveau.
    Merci
    MM

    • claudiebugnon Posted 8 octobre 2019 17 h 16 min

      Votre question est pertinente et intéressante. Je pense que l’écriture s’apparente à la pratique d’un instrument de musique. En cultivant les connexions neuronales qui se créent pendant que l’auteur songe à la logique, à la structure, au choix du vocabulaire, à l’effort de mémoire, l’écriture active plusieurs zones cérébrales. Je serais curieuse de connaître l’incidence de l’Alzheimer en fonction des métiers. Voilà une petite recherche à faire sur le Web…

      • M. Mercier Posted 11 avril 2020 22 h 50 min

        Merci pour les informations. En effet, une activité aussi complexe que l’écriture sollicite différentes parties du cerveau. Tant qu’aux questions relativement à la santé, le vieillissement du cerveau des réponses venant d’un neurologue seraient plus à même de satisfaire la curiosité. En attendant, « grouille ou rouille »…
        MM

  • Michel Mercier Posted 11 avril 2020 23 h 29 min

    L’écriture manuscrite versus l’écriture au clavier, débat interminable. Tandis que plusieurs ne jurent que par l’écriture manuscrite, d’autres avancent que l’écriture au clavier, si les automatismes sont appris, maîtrisés, tel doigt frappe telle ou telle touche pour écrire, permet au cerveau de quitter la mécanique de l’écriture pour s’attarder d’avantage au contenu du message à transmettre. Toute l’énergie intellectuelle que ce soit l’imagination, la logique, la créativité, l’anticipation s’en trouvent « choyées ». Plus besoin de se préoccuper de la plomberie, on prend plaisir à se baigner librement. Je fais partie de ceux qui sont de l’école du bain libre. Et vous?

    • claudiebugnon Posted 13 avril 2020 14 h 32 min

      Bonjour Michel,
      Permettez-moi de répondre à votre question au clavier ☺ Il y a une trentaine d’années que, personnellement, je n’écris plus à la main. Je suis de votre avis qu’il est plus facile de remodeler un texte à mesure, en ayant la possibilité de déplacer des fragments de phrase, de remplacer des mots à la vitesse du doigté, d’insérer des idées au milieu d’un bloc de texte, et de garder une vision claire du fruit de notre travail. Car là sont les avantages premiers d’écrire au clavier : la rapidité d’exécution qui peut soutenir la vitesse de la spontanéité, ainsi que la clarté de relecture. Nos mains sont devenues, grâce au clavier, des extensions réactives, moins pondérées, pour la pensée. On écrit davantage, quitte à élaguer ensuite. Le phénomène est sans doute le même pour la photographie qui nécessitait, avant le temps des appareils numériques, un bref moment de réflexion. Néanmoins, il se perd sans doute au profit de l’efficacité quelque chose dans les aptitudes mentales : se retrouver avec un stylo et une feuille pour écrire demande une concentration accrue, preuve, je pense, que la pensée a perdu une certaine facilité à la plongée. Le cadre de travail avec clavier est devenu le déclencheur de l’état d’esprit.

      • Michel Mercier Posted 16 avril 2020 23 h 44 min

        Mme Bugon bonjour,
        Merci pour votre réponse; c’est rassurant de ne pas être seul dans sa dissidence.

        Intéressante votre analyse sur le mode d’écriture. Quand vous dites: « … se retrouver avec un stylo et une feuille pour écrire demande une concentration accrue, preuve, je pense que la pensée a perdu une certaine facilité à la plongée. »

        Je ne partage pas tout à fait votre point de vue quand vous dites « … la pensée a perdu une certaine facilité à la plongée. » Je crois au contraire que la pensée, libérée de la mécanique embarrassante de l’écriture manuscrite peut plus aisément fureter avec les profondeurs du sujet à développer.

        Finalement, le propre de l’écriture est d’articuler sa pensée, des idées, des histoires qui soient différentes, plus intéressantes, originales que toutes celles qui ont précédé.

        Que l’auteur écrive sur le sable, un clavier ou du papier cela importe peu. Ce qui est important c’est que la personne puisse savoir lequel parmi les outils disponibles, fonctionne le mieux pour elle.

        • claudiebugnon Posted 27 avril 2020 8 h 16 min

          C’est très juste, chacun, chacune doit trouver l’outil qui libère le mieux sa pensée. Pour ma part, j’ai perdu une certaine rapidité de plongée seulement lorsque je me retrouve devant du papier, avec un stylo à la main. Je pense que lorsque nous faisons des gains d’une manière, il faut accepter de sacrifier quelque chose, un peu comme dans le processus de l’évolution génétique. J’abonde dans votre sens : le clavier donne des ailes à la plupart d’entre nous.

  • telecharger musique gratuitement Posted 2 mai 2020 22 h 18 min

    Top cet article, bien écrit. C’est rare où je mets un commentaire, mais là je dois
    dire chapeau. On voit que très peu d’articles
    de qualité. Je vais continuer à vous suivre, merci, bonne
    continuation.

  • telecharger musique gratuitement Posted 7 mai 2020 5 h 36 min

    Beau boulot, bien fait. Je mets jamais de commentaire, mais là je le fais.
    On voit que très peu d’articles de qualité. Je vais continuer à vous suivre, merci pour ce que
    vous faites.

  • Beaupère Posted 10 novembre 2020 5 h 50 min

    Bonjour, Intéressant et bien écrit, merci, il y a un bon nombre d’études réalisées qui prouvent qu’on est plus « intelligent », plus réfléchi, plus créatif, quand on écrit de sa main sur une feuille. En effet, on utilise plus de zones du cerveau. Le fait de « dessiner » chaque lettre est un travail supplémentaire, qui combine des éléments, contrairement au fait de taper une touche sur un clavier. Le mieux est peut-être de faire un brouillon manuscrit et de le structurer à l’écran…
    On assimile aussi bien mieux en prenant des notes écrites, cela nous oblige à faire un travail de synthèse et de reformulation. Bref je défends l’écriture manuscrite, projection de ce que nous sommes: nous avons tous appris à écrire de la même façon et chacun a son écriture qui lui est propre.
    Stylo / papier ou clavier / écran, tout dépend de l’objectif à atteindre.

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